La remontée terrain du personnel technique dans le BTP

Toutes entreprises possèdent un service commercial chargé d’aller au contact des clients, de négocier et de conclure les marchés. Si l’on ose un comparatif avec la lutte anti-terroriste, ce sont les forces spéciales chargées de neutraliser un objectif. Pour autant ces dernières ne sont rien, sans une acquisition et une analyse des renseignements sur la cible. Cette connaissance, ne peut émaner en derrière analyse que des personnels assurant une permanence sur le terrain, à l’image des techniciens (TECH) sur les chantiers du bâtiment. L’analyse est quant à elle, du ressort de la direction de l’entreprise, par la mise en place d’une politique de communication complète, honnête et rapide, entre les personnels techniques et le service commercial.

La valorisation de la remontée terrain, un atout fondamental pour l’entreprise

Si une entreprise du BTP se contentait de répondre à des appels d’offres parus dans la presse, la faillite serait certaine à très courte échéance. Pour vivre, elle doit anticiper son planning pour éviter les trous et aller chercher en permanence de nouveaux marchés. Par ailleurs, ces derniers étant souvent en limite de rentabilité (concurrence et restrictions budgétaires obligent), la marge doit être dégagée sur les travaux supplémentaires (même marché) ou complémentaires de fournitures, services ou travaux, passés de gré à gré.

Pour pouvoir mettre en pratique ce qui précède, il est nécessaire de disposer d’informations qui doivent remonter du terrain, sur les points suivants.

  • Mauvais dimensionnement d’un lot du marché par rapport aux constatations de terrain. Par exemple EP, EU, VMC, VRD ou CVC.
  • Isolation insuffisante sur une façade du bâtiment, infiltrations d’eau par remontées capillaires et plus généralement toutes les constatations qui peuvent être faites en cours de travaux, sur des éléments qui ne correspondraient pas aux prévisions des différents documents techniques (DCE, CCTP, CCTG, FDS des matériaux….).
  • Changements intervenus dans les normes ou règlements et non pris en compte dans le marché.
  • De manière plus générale, toutes constatations faites par le personnel technique susceptible d’entrainer des travaux supplémentaires ou complémentaires, que cela soit pour corriger un oubli du DCE, pour améliorer ou sécuriser l’œuvre (courant faible : SSI, vidéo, alarmes périmétriques et volumétriques, RJ 45, fibre optique…) ou pour faire face à un élément impondérable.

D’autre part, lors de réunions de chantier ou bien plus souvent de manière informelle, lors de déjeuners pris en commun avec des confrères de sociétés coadjudicataires, des personnels du maitre d’ouvrage ou des représentants d’une MOE (cabinet d’architecte ou BET), le technicien peut se voir confier des informations sur d’autres projets BTP, ignorés de sa société. Il peut s’agir de simples conclusions, parfois hâtivement portées sur les « bruits de couloir ». Pour autant elles doivent impérativement être incluses dans la remontée terrain du technicien. Leur pertinence doit être vérifiée par le service commercial.

Les missions du technicien

Si l’on attend de celui-ci qu’il assure le dialogue avec le client et porte attention à ses désidératas pour l’exécution ou la supervision des travaux, d’autres taches s’imposent à lui.

La relation client

Le technicien est durant toute la durée d’un chantier, le seul interlocuteur que le client a à sa disposition de manière permanente. De la relation ainsi nouée, dépend non seulement la bonne réalisation de l’œuvre en cours, mais aussi l’éventuelle attribution de futur chantier de gré à gré. Grâce à cette confiance, le client n’hésitera pas à faire part de ses éventuels griefs, mais aussi de ses souhaits et désirs, ainsi que d’éventuels nouveaux projets. Pour arriver à ce résultat, le maitre mot est l’écoute active de la parole du client, qui seule permet l’obtention d’informations. Ceci s’effectue par le biais de la redite, qui outre son aspect de sécurisation de la compréhension des ordres et souhaits du client, doit inclure des questionnements ouvrant sur des problématiques annexes ou nouvelles.

La relation interne à l’entreprise

Expérience et ancienneté aidant, le personnel technique a tendance à acquérir une autonomie de plus en plus grande sur les chantiers. Si cela est profitable pour la rapidité de réalisation, l’inconvénient majeur provient de carences de plus en plus importantes, quant à la remontée terrain du technicien. Trois grands domaines sont concernés.

  • Des problèmes dans la relation client
  • Des lacunes dans l’avancement des travaux et les éventuelles difficultés rencontrées
  • Enfin, les déficiences éventuelles dans l’application des mesures de sécurité chantier des intervenants.

Si l’on n’y prend garde, cela peut générer des erreurs d’exécutions, une dégradation de la relation client, voire une potentielle catastrophe qui resterait inconnue de l’entreprise. Pour pallier cela, il convient d’imposer d’entrée les bonnes pratiques, et surtout d’effectuer des recadrages périodiques afin d’éviter les relâchements.

C’est à l’entreprise et au manager de proximité de mettre en place et de maintenir ouvert ce canal de communication permanent.

Acquisition et remontée des informations

Avant de détailler celles-ci, il convient de préciser plusieurs points, concernant l’aspect humain de la remontée terrain du personnel technique.

La motivation du technicien

Sans celle-ci, aucune communication n’est possible. Bien souvent le TECH ressent, à tort ou à raison, une surcharge de travail. D’autre part il dirige une équipe, qui bien que partie intégrante de l’entreprise, n’en est pas moins autonome en extérieur. Aussi, les remontées d’informations vers les autres services de l’entreprise se limitent-elles au strict minimum. Pour améliorer cet état de fait, il convient d’impliquer le personnel technique dans le résultat final que peut avoir l’information fournie. Cela peut être naturellement fait sous un aspect financier (la prime de l’apporteur d’affaires conclues, des avantages en nature, …). Mais cela peut aussi s’effectuer, corrélativement ou subsidiairement, par la reconnaissance auprès de l’ensemble des employés, des résultats obtenus grâce aux remontées d’informations du TECH.

Recueillir les informations du technicien

Il ne s’agit pas de transformer le personnel technique du bâtiment en agent de renseignements. Mais de sensibiliser celui-ci aux différents éléments développés précédemment. Et surtout, lorsqu’une information en relation avec ceux-ci émerge au détour d’un échange, d’en faire préciser les contours. Sans naturellement indisposer la personne qui en est la source.

Cette dernière pourra ainsi en ressentir une satisfaction, quant à l’intérêt que lui porte l’entreprise au travers de son personnel technique.

Savoir suggérer

Lorsque l’on définit le TECH comme étant le premier commercial de l’entreprise, c’est au travers des arguments techniques qu’il est à même de faire valoir face à son interlocuteur. Même si celui-ci n’est pas le décideur, la suggestion pourra faire son chemin jusqu’à lui, appuyée par des arguments de spécialistes.

Savoir transmettre

« Les écrits restent, les paroles s’envolent ». Aussi, est-il indispensable de transmettre le plus rapidement possible l’information par voie informatique de préférence (smartphone, tablette, ordinateur).

Pour autant, l’entreprise doit avoir mis en place un ou des destinataires parfaitement identifiés et spécialisés dans son exploitation.

Analyse et exploitation de l’information

Il s’agit là du pendant au sein de l’entreprise, de l’effort consenti dans le cadre de la remontée terrain du technicien. Le service commercial, ou la personne en charge, doit avoir conscience de l’importance de l’information qu’elle reçoit, même si celle-ci provient du personnel technique.

Pour autant, les problèmes d’égo ou de chapelle ne sont jamais bien loin et nuisent grandement au traitement. Une attention particulière devra être mise en place par le responsable maintenance, l’ingénieur d’affaires, responsable bureau d’études ou chef des ventes….

L’analyse sur la remontée terrain

Elle consiste avant tout, à quantifier l’information reçue pour sa pertinence (en la recoupant avec une autre source : bien souvent un simple coup de téléphone suffit) et l’urgence d’une éventuelle action qu’elle sous-tend (demande d’un DCE pour postuler sur un nouveau marché, note d’information à l’attention du client pour des travaux supplémentaires, imposés par les circonstances, …).

L’exploitation de la remontée terrain

Elle concerne plus particulièrement le personnel de direction, qui en dernière analyse décide de l’action à entreprendre.

Au vu de ce qui précède, l’on aura saisi l’importance d’une parfaite mise en place de la remontée terrain du technicien BTP, pour une exploitation optimale au profit de l’entreprise et de ses clients.

Dans un secteur d’activité où la concurrence peut être exacerbée, il s’agit là d’un atout fondamental dont une société du bâtiment ne serait se priver.